Un bien surprenant récit nous est proposé par l'hebdo Courrier International (n°47) dans son édition du 25 février 2010. Il publie un article, extrait du Wall Street Journal.
Zoologie oblige, nous vous l'offrons en pâture. Il témoigne, une fois de plus, de l'imbécilité des religions et de ceux qui l'administrent...
« En novembre 1978, au moment où l'Iran basculait dans la révolution islamique, le zoologue Mike Van Grevenbroek atterrissait à l'aéroport Mehrabad de Téhéran en provenance de Tel-Aviv. Il était muni d'une canne qui camouflait un fusil à fléchettes. Sa mission secrète : capturer quatre daims de Perse et les ramener en Israël avant que le gouvernement du chah ne s'effondre. L'opération marquait le point culminant de plusieurs années d'efforts secrets pour réintroduire dans le pays cet animal mentionné par les Saintes Ecritures du judaïsme. Dans le Deutéronome [le dernier des cinq livres de la Bible hébraïque], le daim de Perse est en effet cité comme l'un des animaux à sabots fendus que les Hébreux ont le droit de manger. Le Livre des Rois raconte que les sujets du roi Salomon en donnaient à leur souverain pour payer leurs impôts.
Chassés jusqu'à l'extinction, les daims de Perse avaient disparu de Palestine au début des années 1900 et on pensait l'espèce éteinte. Jusqu'à ce qu'elle soit redécouverte en Iran à la fin des années 1950.
Le général Avraham Yoffe - qui a été l'un des fondateurs de la Haganah et qui a commandé la division de Tsahal qui prit Charm El-Cheik en 1956 - était à la tête de l'Autorité israélienne de la nature et des parcs dans les années 1970. C'est lui qui imagina de réintroduire l'espèce en Israël. Il commença par courtiser les autorités iraniennes. Il invita notamment le prince Abdul Reza Pahlavi, le frère du chah, à venir chasser le bouquetin de Nubie, un animal protégé, dans le désert du Néguev. C'est ainsi que le prince accepta, en 1978, de donner quatre daims à l'Autorité israélienne de la nature. Le général Yoffe se rendit donc en Iran pour aller les chercher, mais une légère crise cardiaque à son arrivée à Téhéran l'obligea à rebrousser chemin les mains vides, se souvient Itzik Segev, le dernier attaché militaire israélien en Iran. Or le temps était compté : la révolution islamique prenait de l'ampleur. D'énormes manifestations populaires commençaient à dégénérer et le gouvernement, chancelant, en était à proclamer la loi martiale.
Le général Yoffe décida alors d'envoyer Mike Van Grevenbroek aider Itzik Segev à capturer quelques daims avant qu'il ne soit trop tard.
Les animaux sont embarqués alors que Téhéran s'embrase
Arrivé à Téhéran le 28 novembre, le zoologue partit le surlendemain pour une réserve de chasse située dans la province du Khouzistan, à dix heures de voiture de Téhéran. Il passa cinq jours à pister, capturer et mettre en caisse quatre daims avant de retourner à la capitale. Pendant ce temps, Itzik Segev se rendit au département de la chasse de Téhéran dans le but d'obtenir des licences d'exportation pour les aniètmaux. Les rues de la ville étaient en ébullition. Craignant la foule en colère qui hurlait "Mort à l'Amérique !", il délaissa sa Chevrolet Impala, une voiture de VIP, pour un coupé Paykan, un modèle plus populaire, fabriqué en Iran, et troqua son uniforme pour des vêtements civils. "Ça tirait dans tous les coins, et moi j'étais là, un général israélien qui allait au zoo", se souvient-il.
Le prince Abdul avait déjà quitté le pays. Itzik Segev dut donc s'adresser au responsable des services vétérinaires nationaux, un Allemand nommé Mueller qui était très anti-israélien. "Il était hystérique et hurlait 'Je ne veux pas que ces animaux aillent en Israël !'"se souvient le zoologue.
M. Mueller finit tout de même par signer la licence, mais à condition que les daims aillent aux Pays-Bas. Il demanda aussi que les deux hommes emmènent en Allemagne le guépard et le léopard du chah, au motif que la foule menaçait de les tuer. Ils acceptèrent mais, quand ils allèrent prendre les félins au zoo, des manifestants les avaient déjà sacrifiés.
A l'aube du 8 décembre, les caisses des daims furent scellées, chargées sur des camions et conduites à l'aéroport. Elles furent embarquées sur le dernier vol d'El-Al [la compagnie aérienne nationale d'Israël] à quitter Téhéran, coincées au milieu de montagnes de tapis et d'objets de valeur que les Juifs iraniens et les Israéliens fuyant le pays emportaient avec eux. "A l'aéroport de Tel-Aviv, le général nous attendait les larmes aux yeux", raconte MikeVan Grevenbroek. »
Chartes Levinson